Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Concours des polices administratives générale et spéciale : précision sur les compétences des maires en cette période de crise sanitaire

CE, 17 avril 2020, Commune de Sceaux, n° 440057
Par une ordonnance du 17 avril 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté l’appel formé par la commune de Sceaux visant à annuler l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, laquelle a suspendu l’arrêté du maire de Sceaux subordonnant les déplacements dans l’espace public des personnes de plus de dix ans au port d’un dispositif de protection buccal et nasal.
En l’espèce et compte tenu de la situation sanitaire, le maire de Sceaux avait pris un arrêté subordonnant les déplacements dans l’espace public de la commune des personnes âgées de plus de dix ans au port d’un dispositif de protection buccal et nasal ou à défaut « d’une protection réalisée par d’autres procédés à la condition que ceux-ci couvrent totalement le nez et la bouche ». Cet arrêté, pris sur le fondement des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, a fait l’objet d’un référé-liberté devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et a été suspendu par une ordonnance du 9 avril 2020.
 
Formant appel contre cette ordonnance devant le Conseil d’Etat, la commune de Sceaux soutient notamment que le maire, autorité de police administrative générale, est compétent pour prendre des mesures de police administrative spéciale plus contraignantes que celles prises par l’autorité de police administrative spéciale compétente en la matière, ici le préfet de département sur habilitation du premier ministre ou du ministre de la santé, en cas de péril grave.
 
Le raisonnement du Conseil d’Etat est comme suit. Dans un premier temps, les fondements légaux nécessaires à la mise en place d’une police administrative spéciale sont rappelés s’agissant de la police administrative spéciale conférée au premier ministre et au ministre de la santé, visant à protéger l’ordre public sanitaire, en particulier la santé publique. Dans un deuxième temps sont rappelés les fondements légaux du pouvoir de police administrative générale conféré au maire, visant à protéger l’ordre public. Dans un troisième temps enfin, le Conseil d’Etat rappelle la théorie du concours des polices et la possibilité, pour une autorité de police administrative générale, de concourir à l’exercice d’une police administrative spéciale sur le fondement des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :  « l’usage par le maire de son pouvoir de police générale pour édicter des mesures de lutte contre cette épidémie est subordonné à la double condition qu’elles soient exigées par des raisons impérieuses propres à la commune et qu’elles ne soient pas susceptibles de compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’Etat dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale. »
 
Il ressort que le maire de Sceaux n’était compétent pour prendre des mesures de police administrative spéciale visant à protéger l’ordre public sanitaire qu’à la double condition que des circonstances locales impérieuses l’exigent et que ces mesures n’aillent pas à l’encontre de celles prises par l’autorité de police administrative spéciale « supérieure ». En l’absence de circonstances locales impérieuses après un examen in concreto, le Conseil d’Etat en déduit que le maire de Sceaux ne pouvait pas légalement prendre, par l’arrêté attaqué, des mesures de police administrative spéciale visant à protéger l’ordre public sanitaire en subordonnant les déplacements dans l’espace public de la commune des personnes âgées de plus de dix ans au port d’un dispositif de protection buccal et nasal. En conséquence, l’appel formé par la commune de Sceaux contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejeté.