TA Nantes, ord., 4 novembre 2020, Société VEOLIA c. Communauté d’agglomération de Saumur Val-de-Loire, n°2009850
La Communauté d’agglomération a lancé une procédure en vue de déléguer le service public de l’eau potable et de l’assainissement collectif sur le secteur Sud de son territoire.
Aux termes de trois réunions de négociation et à l’issue de la période d’urgence sanitaire, la collectivité a attribué le contrat à la société SAUR.
Saisi par un candidat évincé, le Tribunal administratif de Nantes a rendu une intéressante ordonnance qui apporte d’utiles précisions sur la procédure de passation d’une telle concession.
En effet, le Tribunal a d’abord rappelé la procédure applicable à la passation d’une concession portant sur le service d’eau portable mais également celui d’assainissement (I.), puis il a rappelé le cadre de la procédure résultant de l’article L. 1411-5 du CGCT (II.).
Enfin, le Tribunal a utilement rappelé son office en ce qui concerne l’analyse des offres réalisée par l’autorité concédante (III.).
I. Sur l’attribution d’une concession portant sur le service d’eau potable et celui d’assainissement
Rappelons que par application du a) du 2°) de l’article R.3126-1 du code de la commande publique, les contrats de concession relatifs à l’eau potable sont soumis à des règles de passation dérogatoires, prévues aux articles R. 3126-3 et suivants de ce code.
Ainsi, en matière de concession d’eau potable, aucune obligation législative ou règlementaire de hiérarchisation des critères ne s’impose à l’autorité concédante, le Conseil d’Etat l’ayant encore récemment rappelé (art. R. 3126-10 CCP ; CE, 8 novembre 2019, Cap Nord Martinique, n°432216 ; CE, 18 septembre 2019, n° 430368, BJCP 2019, n° 17, p. 403, concl. G. Pellissier).
Toutefois, qu’en est-il des concessions comprenant à la fois la gestion du service public d’eau potable et celui de l’assainissement ?
Dans le cadre de l’ordonnance commentée, le Tribunal administratif de Nantes a clairement indiqué que :
« Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le contrat de concession en litige a pour objet la délégation du service public de fourniture d’eau potable communautaire mais aussi l’assainissement collectif, ce qui, faute de dispositions expresses en ce sens, ne la fait pas entrer dans le champ des dérogations prévues au chapitre VI du titre II, du livre 1er de la troisième partie réglementaire du code de la commande publique, relatif aux règles particulières à la passation de certains contrats de concession et impose , dès lors, le respect des dispositions rappelées au point 6 ».
En présence d’une concession portant sur le service public d’eau potable et celui d’assainissement, la procédure de droit commun doit donc être appliquée, ce qui inclut notamment l’obligation de hiérarchisation des critères.
II. Sur le rôle de la commission de concession dans le cadre de l’article L. 1411-5 du CGCT
L’article L. 1411-5 du Code général des collectivités territoriales fixe les différentes étapes de la procédure de passation d’une concession et rappelle, en particulier, le rôle de la commission de concession :
« I. - Une commission analyse les dossiers de candidature et dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières, de leur respect de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés prévue aux articles L. 5212-1 à L. 5212-4 du code du travail et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public.
Au vu de l'avis de la commission, l'autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public peut organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans les conditions prévues par l'article L. 3124-1 du code de la commande publique. Elle saisit l'assemblée délibérante du choix de l'entreprise auquel elle a procédé. Elle lui transmet le rapport de la commission présentant notamment la liste des entreprises admises à présenter une offre et l'analyse des propositions de celles-ci, ainsi que les motifs du choix de la candidate et l'économie générale du contrat (…) ».
Ainsi, la commission de concession dresse deux rapports qui ont vocation à être transmis à l’assemblée délibérante par l’autorité habilitée à signer le contrat de concession :
- Le rapport de candidatures dressant la liste des candidats admis à présenter une offre ;
- Le rapport d’analyse des offres initiales, rédigé avant l’ouverture de la phase de négociation.
Le juge administratif a déjà eu l’occasion de rappeler que la commission de concession n’était pas tenue de se réunir à nouveau au cours ou à l’issue de la phase de négociation (TA Rouen, 15 juin 2010, n° 1001461).
Plus encore, lorsqu’une réunion de la commission concession « n’a abouti à aucune prise de position de la commission », la procédure de passation n’est pas entachée d’irrégularité́ si l’assistant à maitrise d’ouvrage du pouvoir adjudicateur a participé à cette réunion (CAA Bordeaux, 2 avril 2002, commune de la Possession, req. 01BX00007)
Un assistant à maitrise d’ouvrage est ainsi admis à présenter le rapport d’analyse des offres lors d’une réunion de la commission au cours de laquelle la simple conformité de l’offre étudiée au cahier des charges a été examinée. Cette présentation ne s’analyse alors pas comme une participation à la réunion officielle de la Commission au cours de laquelle a été rendu l’avis sur le choix du candidat (CE, 28 juin 2006, Syndicat intercommunal d’alimentation en eau de la moyenne vallée du Gier, req. n° 288459).
Dans le cadre de l’ordonnance commentée, la société requérante estimait que la commission de concession s’était réunie à l’issue de la phase de négociation des offres et qu’elle aurait rendu un avis sur l’attributaire du contrat.
La requérante affirmait que, en ne communiquant pas les conclusions de cette réunion aux membres de l’assemblée délibérante, en ne mentionnant pas cette réunion dans le rapport du président sur le choix de l’attributaire et en ne justifiant pas les raisons pour lesquelles l’autorité exécutive se serait écartée des conclusions de cette commission, la Communauté d’agglomération aurait porté atteinte à la transparence de la procédure et à l’égalité de traitement des candidats.
Tout d’abord, le Tribunal a rappelé l’inopérance de ce moyen de la manière suivante : « le moyen tiré du caractère insuffisant de l’information donnée aux membres de l’assemblée délibérante avant qu’ils ne se prononcent sur le choix du délégataire qui, à le supposer établi, ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, ne saurait être utilement invoqué devant le juge du référé précontractuel ».
Surtout, le Tribunal a considéré que la réunion évoquée par la société requérante ne constituait pas une étape de la procédure prévue par l’article L. 1411-5 du CGCT et n’était pas prévue par le règlement de consultation :
« L’avis de la commission, évoquée par la société requérante quant au choix final du délégataire, ne résulte ni desdites dispositions ni d’une obligation insérée dans le règlement de consultation ou dans tout autre document qui aurait lié l’autorité exécutive ou l’aurait contrainte à devoir transmettre un tel document à l’assemblée délibérante en plus de ceux prévus par les dispositions de l’article L. 1411-5 ci-dessus rappelés, ni à devoir motiver son choix au regard de cet avis lors de la présentation du dossier devant l’assemblée délibérante ».
S’il n’est pas établi que la commission de concession se serait réunie pour rendre un tel avis, l’autorité exécutive n’aurait, en tout état de cause, pas été liée par ce dernier.
Dès lors, l’autorité habilitée à signer le contrat de concession n’avait pas à motiver son choix au regard d’un tel avis.
III. Sur l’office du juge des référés précontractuels
La société requérante invoquait successivement plusieurs moyens tendant à démontrer que l’autorité concédante aurait, selon elle, irrégulièrement analysé les offres des candidats en méconnaissant les critères annoncés dans le dossier de consultation des entreprises, ainsi qu’en dénaturant une partie des offres présentées.
Reprenant sa jurisprudentielle traditionnelle en la matière, le Tribunal a rappelé qu’il ne lui revenait pas de juger du mérite respectif des offres et qu’il ne revenait pas non plus à l’autorité concédante de communiquer la méthode de notation de ces dernières.
Surtout, le Tribunal a rappelé que l’autorité concédante se devait de mettre en œuvre les critères de sélection annoncés dans le règlement de consultation pour choisir l’offre présentant l’avantage économique global le plus élevé, qui ne se confond pas avec l’offre moins-disante :
« Dès lors, le moyen tiré de ce que la communauté d’agglomération Saumur Val de Loire a commis un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en ne retenant pas l’offre moins disante de la société requérante, modifiant ainsi la hiérarchie des critères ou en les pondérant sans en informer préalablement les candidats quant au poids respectif de chacun d’eux, n’est pas fondé et doit être écarté ».
Au regard de ce qui précède, le Tribunal a rejeté l’offre de la société évincée et validé la régularité de la procédure menée par la Communauté d’agglomération de Saumur Val-de-Loire.