CE, 27 mars 2020, n° 426955
Par un arrêt en date du 27 mars 2020, le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles le titulaire d’un marché peut être indemnisé des prestations supplémentaires non prévues dans le marché, indispensables à la réalisation des prestations dans les règles de l’art.
Une société de géomètres-experts avait conclu un marché à prix unitaires avec le département de la Loire-Atlantique, dans le cadre du remembrement d'une partie du territoire d’une des communes du département. A l’issue de l’exécution des prestations définies contractuellement, la société a soumis un projet de décompte final, comportant le solde restant du marché et une somme complémentaire correspondant, selon elle, à des prestations supplémentaires non prévues dans le marché, indispensables à la réalisation des prestations dans les règles de l’art et alors que le strict respect des prescriptions du marché n'aurait en aucun cas permis la réalisation d'un remembrement complet et conforme. A la suite du refus de ce projet de décompte final par le département, la société saisit le tribunal administratif de Nantes d’une demande tendant à la condamnation du département à lui verser différentes sommes au titre de l'exécution du marché, dont la somme supplémentaire due au titre des prestations supplémentaires. Par un jugement du 2 janvier 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande de la société, tout comme la CAA de Nantes devant laquelle la société avait formé appel, au motif que le département avait fait part expressément de son opposition préalable à l’exécution de ces prestations supplémentaires, en indiquant dans un courrier refuser le règlement de toute prestation
Par un considérant de principe, le Conseil d’Etat rappelle classiquement que « le prestataire a le droit d'être indemnisé du coût des prestations supplémentaires indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art ». Ce rappel est à mettre en parallèle avec la jurisprudence Ville d’Angers de 2002, où le Conseil d’Etat avait admis une telle indemnisation même en l’absence d’ordre de service en ce sens, consacrant l’accord tacite du maître d’ouvrage (CE, 14 juin 2002, n° 219874). Ici, le Conseil d’Etat souligne cependant qu’il ne peut être fait droit à cette indemnisation « dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation ».
Cette précision n’est pas anodine : à la lumière des conclusions du rapporteur public Mireille Le Corre sur cet arrêt, cette opposition doit être antérieure à la réalisation effective des travaux supplémentaires, formulée en cours d’exécution du marché, et précises. De cette manière, le maître d’ouvrage ne pourrait pas, de manière générale et dès le commencement du marché, se prémunir de toute possibilité d’indemnisation du maître d’œuvre au titre de prestations supplémentaires indispensables à l’exécution du marché dans les règles de l’art.
Dans les circonstances de l’espèce, la CAA de Nantes avait relevé d’une part que le département avait fait connaître son opposition précise à la réalisation de prestations supplémentaires et d’autre part qu’il n’est pas établi que ces prestations supplémentaires aient été exécutées antérieurement à cette opposition. En ce sens, le Conseil d’Etat relève que la CAA de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit : ainsi le pourvoi de la société est rejeté.