Le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Paris a rejeté, par une ordonnance rendue le 4 mai 2017, la requête formée par la société contre la décision attribuant le marché des vélib’ au groupement Smoovengo.
Le système Vélib’ arrivant à expiration le 31 décembre 2017, le Syndicat Mixte « Autolib’ et Vélib’ Métropole » a engagé une procédure de dialogue compétitif en vue de la passation d’un marché public ayant pour objet la conception, la fabrication, la pose, la mise en service, l’entretien, la maintenance et la gestion d’un dispositif de vélos en libre service à Paris et dans 55 communes de la région parisienne. Pour ce marché s’étalant sur 15 ans et s’élevant à 600 millions d’euros, deux groupements étaient en concurrence : le premier composé de la société JCDecaux France, de RATP International SA et de SNCF Participations et le deuxième formé par Smoove S.A.S, Marfina SL, Indigo S.A. et Mobivia Groupe.
A la suite du choix par le pouvoir adjudicateur de l’offre proposée par le consortium franco-espagnol Smoovengo, la Société JCDecaux a formé un référé précontractuel sur le fondement de l’article L.551-1 du CJA, demandant la suspension de la procédure de passation du marché et l’annulation de la décision d’attribution du marché.
Fait suffisamment rare pour mériter d’être souligné, l’ordonnance a été rendue le 4 mai dernier en formation collégiale de 3 juges sur le fondement de l’article L.511-2 CJA, témoignant ainsi de l’importance de l’affaire.
Cette ordonnance mérite d’être examinée plus attentivement en raison de la diversité des moyens soulevés par la société requérante et examinés par les juges même si ceux-ci ont finalement écarté chacun des moyens soulevés par la société requérante.
En premier lieu, la société requérante estimait que le syndicat mixte « Autolib’et Vélib’ Métropole » avait méconnu l’article 99 du décret du 25 mars 2016 en ce qu’il ne lui aurait pas communiqué l’ensemble des informations mentionnées dans ces dispositions. Reprenant sa jurisprudence classique, le juge administratif a rappelé que ces informations ont pour objet de permettre aux candidats évincés de contester utilement le rejet qui leur est opposé et qu’en l’absence de communication de ces informations, l’acheteur méconnait ces obligations de transparence et de mise en concurrence (arrêt de principe : CE, 21 janvier 2004, Sté Aquitaine Démolition, n°253509). Dès lors un tel manquement n’est pas constitué si l’ensemble de ces informations a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s’est écoulé entre la communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction (arrêt de principe : CE, 6 mars 2009, Synd. Mixte de la région Auray – Belz – Quiberon, n°321217). Le juge des référés, en relevant que l’ensemble des informations avait été communiqué à la société JCDecaux avant qu’il ne statue, a écarté le moyen.
En deuxième lieu, la société exposante estimait que la procédure de passation et l’offre présentée par le groupement Smoovengo ne respecteraient pas l’obligation de reprise des salariées posée par l’article L1224 du Code du travail.
Selon l’ordonnance, il ne résulte d’aucune disposition légale ou règlementaire qu’un pouvoir adjudicateur aurait l’obligation de se prononcer sur l’applicabilité dudit article dans les documents de consultation. Cependant si une entreprise est susceptible de devoir reprendre les salariés du titulaire du précédant marché, le coût de la masse salariale correspondante est un élément essentiel du marché et doit par conséquent être communiqué aux candidats. En l’espèce, il n’est pas contesté que le syndicat mixte Autolib’ et Vélib Métropole s’est conformé à cette obligation en rappelant que ledit article était susceptible de s’appliquer. Il en résulte que la société JCDecaux n’était pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur aurait sur ce point manqué à ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence.
Par ailleurs les juges ont estimé que même si les conditions d’application de l’article précité étaient réunies, l’offre ne doit pas nécessairement prendre en compte l’ensemble du coût de la masse salariale, puisque l’entreprise peut affecter les effectifs à d’autres tâches. Par conséquent, la société JCDecaux n’était pas fondée à soutenir que l’offre du groupement Smoovengo était irrégulière.
En troisième lieu, la société requérante soutenait que la procédure de passation avait méconnu le principe d’impartialité en ce que M. N M actionnaire et consultant de la société Inddigo, société qui a aidé à préparer la procédure de passation dudit marché, est le frère du président de la société Smoove, lequel avait été par le passé actionnaire de la société Indiggo. Les juges, estimant qu’eu égard à l’ancienneté des liens entre le président de la société Smoove et la société Inddigo, ainsi qu’au rôle limité qu’a eu cette dernière et à l’implication limitée de M. N… M…, ont jugé le moyen inopérant.
En quatrième lieu, l’ordonnance a écarté le moyen tiré de la dénaturation par le pouvoir adjudicateur de l’offre présentée par le groupement faisant ainsi application de son contrôle classique sur la dénaturation.
En dernier lieu, a été écarté le moyen tiré de l’irrégularité de la délibération du comité syndical du syndical mixte Autolib’ et Vélib’ Métropole autorisant la présidente du syndicat à signer le contrat avec le groupement Smoovengo. Le juge des référés a jugé le moyen inopérant en ce qu’il ne résultait pas de l’instruction que la société JCDecaux était susceptible d’avoir été lésée par une telle irrégularité, à la supposer avérée faisant ainsi application de la jurisprudence SMIRGEOMES du 3 octobre 2008 (req. n° 305.420).
Contestant cette ordonnance eu égard à « l’insécurité qui en découle pour tous les salariés », la société JCDecaux a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. A suivre donc….