TA Marseille, 28 avril 2017, Société Bureau européen d’assurance hospitalière c/Centre Hospitalier de Manosque, n°1702014
Le Centre Hospitalier de Manosque a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue d’attribuer un marché de services d’assurance décomposé en cinq lots, dont le lot n° 1 était relatif à la « responsabilité civile ». La société Bureau Européen d’assurance hospitalière (BEAH), mandataire d’un groupement candidat a vu son offre rejetée pour ce lot. Estimant son éviction irrégulière, elle a formé un référé précontractuel devant le Tribunal administratif de Marseille afin d’obtenir l’annulation de la procédure d’attribution de ce marché.
ENSEIGNEMENT N°1 : LA COMMUNICATION DES MOTIFS DE REJET DE L’OFFRE PEUT SE FAIRE POSTERIEUREMENT A L’INTRODUCTION DE LA REQUETE A CONDITION QUE LE CANDIDAT DISPOSE D’UN TEMPS SUFFISANT POUR CONTESTER UTILEMENT SON EVICTION
La société évincée du marché reprochait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence au motif qu’elle n’aurait pas été suffisamment informée des motifs de rejet de son offre comme l’exigent les dispositions du II de l’article 99 du décret du 25 mars 2016.
Le juge des référés a relevé que par courrier du 24 mars 2017, adressé postérieurement à l’enregistrement de la requête, le pouvoir adjudicateur lui avait communiqué :
- le tableau expliquant la méthode de notation des offres,
- son classement en seconde position,
- les notes obtenues par elle-même et l’attributaire,
- le montant de l’offre de l’attributaire comparée à la sienne et la notation respective des deux offres au regard du critère technique et de celui du prix
- et dans le cadre de l’instance, le tableau d’analyse des offres
Faisant application d’une jurisprudence désormais ancienne (C.E. 6 mars 2009, « Syndicat Mixte de la région d’Auray-Belz-Quiberon » req. n° 321.217, Tables p. 840), le juge a estimé que toutes ces informations répondent aux prescriptions de l’article 99 du décret du 25 mars 2016, sont suffisamment précises et ont été délivrées à la société requérante avant l’audience et ainsi lui ont permis de contester utilement les motifs de son éviction devant le juge du référé précontractuel de sorte qu’il a écarté le moyen.
ENSEIGNEMENT N°2 : L’ABSENCE D’OBLIGATION DE PORTER A LA CONNAISSANCE LA METHODE DE NOTATION DES OFFREES ILLUSTREE EN MATIERE DE MARCHES PUBLICS D’ASSURANCE
Le pouvoir adjudicateur pour sélectionner le candidat, avait choisi, outre le critère du prix, un critère portant sur la valeur technique de l’offre.
La société requérante reprochait au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir communiqué la méthode de notation sur ce critère et également d’avoir fait usage de sous-critères non portés à la connaissance des candidats, entraînant ainsi un manquement aux obligations de publicité et de transparence.
Le juge des référés reprend au visa de l’article 62 du décret du 25 mars 2016, une jurisprudence désormais établie qui consacre l’absence d’obligation de communiquer la méthode de notation d’une offre (CE, 2 août 2001, Syndicat Mixte de la vallée de l’Orge Aval, n°348711).
Il rejette ensuite la qualification de sous-critères à deux éléments repris dans le rapport d’analyse et portant respectivement sur « la qualité du profil de l’intervenant proposé pour l’exécution des prestations » et « la qualité des couvertures proposées pour l’exécution des prestations » en jugeant qu’ils constituent en réalité, non pas des sous-critères, mais des éléments habituellement pris en compte dans le cadre de marchés d’assurance concourant à l’appréciation de la valeur technique des offres. Le juge assimile des éléments à la méthode de notation des offres en affirmant alors qu’ils n’avaient pas à être communiqués.
ENSEIGNEMENT N°3 : LA NECESSITE POUR LES ACHETEURS D’EVITER LES NOTATIONS TROP SERREES
Le juge des référés a également retenu l’absence de lésion après avoir procédé à une comparaison des notes obtenues par le candidat retenu et par le candidat qui a contesté l’attribution ; il a ainsi attribué fictivement la note maximale au candidat évincé sur l’une des appréciations pour constater que, même avec une telle note maximale « cela ne lui aurait pas permis pour autant d’être mieux classée que l’entreprise concurrente et de se voir attribuer le marché compte tenu de l’écart de notation important existant entre son offre qui a obtenu une note générale de 74,84 et celle de l’entreprise concurrente qui a obtenu une note générale de 98 ».
Cette démarche du juge doit inciter les acheteurs à systématiquement accentuer les écarts de notation entre les candidats en évitant les notations « trop serrées ».
Consulter l'ordonnance au format [PDF]