Laurent Frölich avocat assistance marchés publics et  droit avocat délégation de service public et  droit de la fonction publique, Paris et Lille

Une nouvelle méthode d’évaluation du préjudice subi par une personne publique à la suite d’une pratique anti-concurrentielle

CE, 27 avril 2021, Société Lacroix City Saint-Herblain, req. N° 440348 

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043456953?init=true&page=1&query=440348&searchField=ALL&tab_selection=all

 

Entre 1998 et 2005, cinq marchés publics relatifs à la fourniture de panneaux de signalisation routière ont été attribués par le département de la Loire-Atlantique à la société Lacroix Signalisation. Cette société ainsi que sept autres entreprises se sont entendues sur la période de 1997 à 2006 sur la répartition et le prix de ce type de marchés publics. Ces entreprises ont été condamnées pour ce motif par la décision n°10-D-39 de l’Autorité de la concurrence rendue le 22 décembre 2010.

Or, lorsqu’une entente anti-concurrentielle vicie le consentement de la personne publique de sorte qu’elle entre dans le lien contractuel, il s’agit d’un dol (CE, 9 décembre 2007, n°268918, Campenon-Bernard). En l’espèce, le département de Loire-Atlantique entend obtenir réparation du dommage causé par ces pratiques.

À la suite d’un rapport d’expertise évaluant le préjudice du département à 5 millions d’euros, la société a demandé au juge administratif l’annulation des opérations d’expertise mais a été déboutée. En rejetant le pourvoi, le Conseil d’État a précisé les modalités selon lesquelles se déroule une expertise demandée par le juge dans le cadre de l’indemnisation du préjudice subi par une personne publique victime d’une entente.

 

La comparaison des taux de marge de la société coupable d'entente : une méthode de calcul du préjudice subi approuvée par le juge administratif

Afin de déterminer précisément le préjudice subi par le département, l’expert a préconisé une méthode qui consiste à comparer les taux de marge de la société Lacroix Signalisation pendant la durée de l’entente, puis, à la fin de celle-ci d’en déduire le surcoût supporté lors de l’exécution des marchés.

Cette méthode a été suivie par la Cour administrative d’appel de Nantes qui a conclu que 40 % du chiffre d’affaires total de la société requérante étaient dédiés à l’activité de la signalisation routière verticale. Ce taux est identique à celui établit par l’Autorité de la concurrence dans sa décision du 22 décembre 2010. Également, l’expert a vérifié la cohérence des résultats de sa méthode en la comparant avec un autre procédé qui consiste à comparer les prix d’un échantillon de produits représentatifs, comportant neuf produits correspondants à la catégorie de la signalisation plastique.

Cette méthode de calcul fondée sur la comparaison des taux de marge est semblable à celle approuvée par le Conseil d’État un an auparavant. Celle-ci s’appuyait sur la comparaison des marchés passés pendant l’entente avec une estimation des prix qui auraient dû être pratiqués sans l’entente en tenant compte de la chute des prix postérieure au démantèlement de cette entente ainsi que des facteurs exogènes susceptibles d'avoir eu une incidence sur celle-ci (CE 27 mars 2020, n° 420491, S Signalisation France). Par ailleurs, cette même méthode a été utilisée par l’Autorité de la concurrence. En effet, celle-ci avait été sollicitée pour avis par le Tribunal administratif de Strasbourg qui lui a demandé de se fonder sur la décision du Conseil d’État du 27 mars 2020 (TA Strasbourg, 7 avril 2021, n°1903573).